Il y a quelques temps, je vous avais parlé d’un manuscrit duRoman de la rose particulièrement intéressant du fait de la représentation d’un couple d’enlumineurs dans les marges (à voir ici). Ce manuscrit (et cette représentation) m’ont tellement plus que nous avons décidé, Goscelin et moi, de nous en inspirer pour nous représenter nous-mêmes dans un décor de marge.
Il ne s’agit donc pas d’une reproduction mais d’une interprétation : même s’il s’agit du même texte issu du roman de la rose et de la même mise en page, nous avons modifié les personnages afin qu’ ils nous ressemblent davantage. Ainsi nous retrouvons en bas de ce nouveau feuillet la robe bordeaux que j’affectionne particulièrement ainsi que le surcot de laine rouge que Goscelin porte par temps froid (et juste pour l’anecdote, voici un petit montage comparatif plutôt drôle à réaliser). La présence de ce feuillet au sein de notre atelier nous permettra, lors de nos animations, d’évoquer l’organisation familiale d’un atelier d’enlumineurs vers 1300.
De plus, la réalisation de cette enluminure est pour moi l’occasion de présenter les différents étapes de réalisation d’une page de manuscrit. Tout d’abord, le feuillet de parchemin a reçu des réglures à la pointe sèche qui serviront de support à l’écriture, qui est effectuée à l’encre métallo-gallique et à la plume d’oie. L’écriture est une gothique textura quadratta.
Ensuite la phase d’enluminure peut commencer dans un ordre bien précis. Tout d’abord, les dessins préparatoires du décor de cette page ont été réalisés à la mine de plomb (je parlerai sûrement de cet outil dans un prochain article), que l’on peut effacer aisément grâce à de la mie de pain.
Puis on applique l’assiette à dorer qui servira de support à la feuille d’or. Un certain relief est donné à cette couche ce qui permettra à l’or d’être également en relief et de donner plus de reflets, de mieux « accrocher » la lumière :
Après la pose de l’or, on commence la pose des fonds et des grands aplats de couleur que l’on viendra nuancer par la suite par l’ajout de couleurs plus sombres ou plus claires. Enfin, la dernière étape est la pose des lumières (ce sont ces traits blancs qui réhaussent les motifs) puis celle que des cernages (les contours noirs).
Et voilà, après tout ce temps passé sur ce feuillet, ce dernier est enfin terminé. En toute logique, s’il s’agissait d’un bifolio destiné à être relié, il serait conduit, ainsi que toutes les autres pages du livre, chez le relieur. Mais pourl’instant, ce feuillet restera à notre atelier et fera un excellent support d’explication sur l’art des enlumineurs médiévaux.