Afin de compléter ma tenue de bourgeoise messine du début du XIVe siècle, je me suis penchée sur certains accessoires. Le chapelet a retenu mon attention car je l’ai retrouvé à deux reprises sur des miniatures du manuscrit Metz BM 1588 (feuilletable ici) , auquel mon personnage est sensé être contemporain. Après quelques recherches sur le sujet, je me suis décidé pour la fabrication d’une « patenôtre » ( ce terme vient du vieux français patenostre, dérivé des mots latins pater noster) en os et en corail, car ces matériaux sont très courants à l’époque. Elle compte 74 perles, tout comme un chapelet complet retrouvé lors de fouilles en Irlande. Les perles d’os ne sont pas totalement sphériques car leur mode de production ne permettait pas encore, aux alentours de 1300 de leur donner une rotondité parfaite. Enfin, une pampille de soie rouge vient compléter le tout.
Origine et usage à l’époque médiévale :
Les diverses sources :
Au niveau archéologique, ces objets de dévotion personnelle sont les éléments de joaillerie les plus courants et ils étaient utilisés aussi bien pas les clercs que par les laïcs. Les fouilles de Londres (réalisées entre 1974 et 1988) ont mis à jours de nombreuses perles isolées qui pourraient appartenir à ce type d’objet. En Irlande, le Waterford museum possède les deux plus anciens chapelets d’ambre conservés. Le premier est incomplet et se compose de 16 perles de formes diverses. Le second est l’un des rares exemples de chapelets complets : il se compose de 74 petites perles circulaires et de 9 grosses perles et fait 248 mm de long.
Amber Pater Noster, Waterford Museum of Treasures Collection, Ireland
Large Amber Pater Noster, Waterford Museum of Treasures Collection,
Ireland
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Les matériaux et la fabrication :

La méthode de fabrication en os et bois visible sur une miniature de 1484 représentant un fabricant de patenôtre au travail, utilisant un simple tour à archet. Il a, suspendu devant lui, un cordon droit se terminant par deux pompons, une boucle de 10 perles, et plusieurs autres boucles comprenant entre 20 et 50 perles.
A Paris, ces artisans étaient organisés en guildes (métiers), différents suivant la matière première utilisée. Ainsi, pour Paris en 1260, le livre des métiers d’Etienne Boileau recense 3 branches de patenotriers : une pour les fabricants de chapelets en os et/ou corne, une autre pour ceux de corail et de nacre et enfin la dernière pour ceux d’ambre et de jais.
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Les perles de patenôtres pouvaient revêtir diverses formes, comme le montrent la première enluminure issue du manuscrit Metz BM 1588 ainsi que les chapelets d’ambre conservés en Irlande. Certes la majorité des perles étaient de forme ronde mais parfois des perles en forme de losange pouvaient être utilisées, ainsi que des éléments cylindriques, des disques ou des anneaux.
Comme le montrent cette même miniature, la tombe de la comtesse Ela de Salisbury ainsi que le règlement des métiers d’E. Boileau, de nombreux matériaux étaient utilisés pour composer un même chapelet : on trouve ainsi parfois des graines, des noix, de l’os, de la corne, des coquillage, du bois, du verre, de l’argile, de la nacre, de l’or, de l’argent, des perles d’émeraude, de saphir, de diamant, de jaspe, de cristal de roche et d’ivoire. L’ambre et les pierres semi-précieuse étaient couramment utilisés, notamment pour marque la séparation entre les décades (rangs de 10 perles), tout comme le corail. Les matériaux des perles étaient choisis pour leur beauté mais aussi pour les propriétés mystiques attribuées aux pierres : ainsi l’améthyste était sensée protéger de l’ivresse, le corail renforcer le cœur et l’émeraude combattre l’épilepsie. Le corail était s’en doute l’élément semi-précieux le plus populaire, car il combinait une grande légèreté, une couleur symbolique (symbolisant peut être le sang, la destinée et le pouvoir de la Pentecôte) et il passait pour protéger du « mauvais œil ».
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Bibliographie :
– A. Gottschall, Prayer Bead Production and use in Medieval England, University of Birmingham.
– A. Winston-Allen, Stories of the Rose: The Making of the Rosary in the Middle Ages, University Park – Pennsylvania.
– G. Egan & F.Pritchard, Dress Accessories c. 1150-c.1450, (fouilles archéologiques de Londres).
– E. Crowfoot, F. Pritchard & K. Staniland, Textiles and Clothing, c.1150-c.1450, (fouilles archéologiques de Londres).
C’est dans les petits détails que l’on donne une dimension plus crédible aux personnages.
Ces derniers temps, j’étais justement en train de réfléchir à m’en réaliser un.
Tu me permets de découvrir de nouvelles sources plus proches de mon époque.
Merci.
Ton travail de reconstitution m’impressionne. Je n’aurais pas eu l’idée d’aller chercher aussi loin.
J’en suis à vouloir passer commande pour la réalisation d’un gallimard et d’un livre porté à la ceinture.
mais pas encore de paternostre. En attendant, juste pour le plaisir des yeux car bien postérieur à ta période, j’ai cherché quelques images de femmes avec un chapelet et voila elles sont là : http://picasaweb.google.fr/chlo1970/Chapelets
chlodyne
Oui, je comprends, c’est très dur de choisir un personnage avec une tranche peu large. Moi j’ai choisi de citer par référence au rôle de la taille, quelques références de la fin du XIIIème mais mon activité réelle d’enlumineresse va du XIIIème au XVème siècle. Je pense d’ailleurs me faire plusieurs costumes. Enfin j’attends un livre avec des patron pour me faire des vestures convenables. Sinon, je suis entrain de bosser sur les couvertures de livres en couleur décrites dans les inventaires de Charles V. Y’a plein de renseignement sur les liseuses ou chemises. Je t’enverrais par mail un fichier complet. Tu me le corrigeras si tu veux puisque tu as des connaissances en reliure (tu vois je vais te donner un peu de travail si tu l’acceptes). Médiévalement.
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